"Ce domaine est le principal axe d’intervention de la transformation systémique. C’est donc ici où le processus de changement s’embourbe – surtout lorsque les autres domaines ne sont pas pris en considération."

Opérer le changement : les politiques, le curriculum programme d’études, l’enseignement et l’évaluation

Le nom du domaine « Opérer le changement » désigne les changements mêmes qui surviennent dans le système éducatif. Les quatre axes clés communs à tous les systèmes éducatifs entrent dans ce domaine : les politiques, le programme d’études, l’enseignement et l’évaluation. Chacun est passé brièvement en revue selon le point de vue du changement systémique.

Politiques

L’analyse documentaire révèle que les principaux aspects à considérer dans l’élaboration de politiques sont la séquence et l’engagement (en supposant une correspondance avec les compétences globales et les principes de l’éducation basée sur les compétences)**. Voir le domaine « S’approprier le changement » pour connaître l’importance de l’engagement dans le processus de changement; la séquence est analysée à l’intérieur de ce domaine. La réforme descendante, dans laquelle les mesures législatives et la politique sont les stimulants de tous les autres changements, peut fonctionner et a fonctionné dans certaines instances. La politique dans ces cas a créé les conditions favorables au succès de la réforme (Intel Education, 2017). La politique peut venir immédiatement après le leadership pour ouvrir la voie à tous les autres changements ou peut être le point pivot du changement. Elle peut aussi éliminer les obstacles à la réforme pour soutenir les changements souhaités (Phillips et Schneider, 2016; Sturgis, 2016). Elle peut fournir les leviers de changement également. Cependant, la politique ne garantit pas le changement. À l’inverse, différentes régions ont aussi entrepris le changement bien avant l’établissement d’une politique connexe ou en l’absence de celle-ci. De tels exemples montrent que le changement peut survenir sans politique.

Programme d’études

Il existe de nombreuses façons d’aborder la question d’un changement de cap en faveur des compétences globales en éducation, et ces efforts nécessiteront un travail soigné de conception dans l’élaboration des programmes d’études. Une simple superposition des compétences globales sur programmes d’études existants comme ajout échouera avec certitude. Dans un tel scénario, chaque enseignante et enseignant est responsable des compétences globales, mais personne ne l’est. Les compétences globales sont des ensembles évolués d’aptitudes qui puisent à partir des connaissances, des habiletés, des compétences et des attitudes; leur enseignement doit être différent de celui du « contenu » uniquement. Cela a un effet sur le mode d’élaboration des programmes d’études, reconnaissant que la nature des approches de longue date pour les structures et l’élaboration de programmes d’études peut nuire immédiatement à l’acquisition des compétences globales.

Parmi les changements recommandés au mode d’élaboration du programme d’études pour adopter pleinement les compétences globales, mentionnons les suivants :

·         Rendre la théorie des connaissances et de l’apprentissage explicites (Milton, 2015).

·         Mettre l’accent sur les idées fondamentales ou les « grandes » idées à l’intérieur de chaque discipline (Milton, 2015).

·         Limiter les résultats ou les exigences à ces « grandes » idées (Milton, 2015).

·         S’ouvrir à l’apprentissage interdisciplinaire (Milton, 2015) et savoir que toute expérience qui survient à l’intérieur de l’école ou en rapport avec celle-ci contribue à l’acquisition des compétences clés (c’est-à-dire qu’il n’y a rien de « parascolaire » lorsqu’il est question des compétences globales).

Selon l’analyse documentaire, à l’examen d’une gamme de provinces et de territoires du Canada, de pays et d’États américains cherchant à intégrer les compétences globales, le Nunavut semblait être le territoire qui a le plus visiblement intégré les compétences de base ou globales aux disciplines traditionnelles. La description du cadre d’éducation l’Inuit Qaujimajatuqangit du ministère de l’Éducation du Nunavut (2007) établit très clairement que l’ensemble de compétences de base (p. ex., Avatimik Kamattiarniq, ou gérance environnementale mondiale) est le but fondamental du système et que les domaines d’études (p. ex., Iqqaqqaukkaringniq – mathématiques, sciences, raisonnement analytique, technologie, arts appliqués) favorisent l’acquisition de ces compétences.

Pédagogie

Les fonctions pédagogiques essentielles de l’éducation basée sur les compétences qui intègrent les compétences globales sont l’apprentissage personnel, centré sur l’élève et dirigé par l’élève; l’authenticité et l’importance de l’expérience d’apprentissage afin d’appuyer un plus grand engagement et une plus grande motivation chez les apprenantes et apprenants; des points de départ basés sur les forces; l’intégration de l’apprentissage dans le contexte; l’utilisation de l’évaluation à des fins d’apprentissage; l’autoévaluation; la souplesse; l’inclusion de nombreux « maîtres » (p. ex., le personnel enseignant pair, les aînées et aînés, les employeurs); et l’apprentissage expérientiel (p. ex., Alberta Education, 2016; Bristow et Patrick, 2014; le ministère de l’Éducation du Nunavut, 2018; le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation des Territoires du Nord‑Ouest, 2018; Patrick et al., 2018). Une telle approche est souvent établie en fonction d’une vue polarisée de « la personne sage sur la scène » dans laquelle le maître transmet les connaissances à l’apprenante et apprenant.

Il est très probable que de bonnes éducatrices et de bons éducateurs dans les provinces et les territoires du Canada mettent déjà tout en œuvre pour incorporer les caractéristiques pédagogiques essentielles énumérées ici. Reconnaissant l’expertise des éducatrices et éducateurs au pays, cela demandera quand même un ajustement important pour la plupart qui devront s’adapter à une approche personnalisée dirigée par l’élève avec ou sans changements structurels. Pour grand nombre de gens, il s’agira d’un énorme changement par rapport à l’enseignement en classe conventionnel, en faveur d’une approche pédagogique qui va beaucoup plus loin que la simple préparation scolaire des élèves.  

Évaluation

L’éducation basée sur les compétences comprend idéalement une évaluation qui a un sens pour les élèves, qui contribue à leur apprentissage, est basée sur des critères plutôt que sur une comparaison, est souvent dirigée par l’élève, est individualisée et peut reposer sur plusieurs formes de données probantes (p. ex., Bristow et Patrick, 2014; Patrick et al. 2017). L’accent est mis sur l’évaluation formative plutôt que sur l’évaluation sommative, comme but principal de l’apprentissage. Les systèmes d’éducation participent encore à des évaluations sommatives à l’échelle du système (p.ex., le Programme international pour le suivi des acquis des élèves [PISA]), car de telles évaluations peuvent fournir des renseignements utiles afin de mieux comprendre l’apprentissage des élèves et d’ajuster les pratiques pédagogiques en conséquence.

Les évaluations des compétences globales devraient comprendre les dimensions cognitives, socio-affectives et comportementales et peuvent prendre de nombreuses formes, soit des portfolios d’élèves, des profils, des stages, l’apprentissage expérientiel, des projets, des initiatives de recherches, des documents, des exposés, des observations du comportement, des rapports, des (auto) évaluations et plus. Selon le ministère de l’Éducation du Nunavut, l’évaluation doit être authentique « fondée sur des expériences réelles ». Les élèves doivent participer activement afin d’établir un lien entre les résultats d’apprentissage du curriculum et leurs réalités personnelles. Une évaluation efficace doit être réelle et appropriée au développement et à la culture (trad.) » (Ministère de l’Éducation du Nunavut, 2008, p. 23).

Feuille de travail : Opérer le changement

Pour plus d’informations et pour consulter les références mentionées ci-dessus, veuillez cliquer ici afin de télécharger le Cadre pancanadien pour les compétences globales selon la perspective du système.

** Les politiques ne sont pas vues par tous comme un élément essentiel de la réforme systémique. Par exemple, le mot « politique » est rarement utilisé dans (2010) All Systems Go de Fullan, une description complète des méthodes de changement du système éducatif. La politique ne semble pas être importante en soi pour Fullan; elle codifie plutôt les éléments du nouveau système qui sont importants. Il cite les trois éléments essentiels de la politique selon Barber et Mourshed (2007) : « 1) amener les bonnes personnes à enseigner, 2) former du personnel enseignant efficace (dont des leaders qui peuvent le faire, et 3) s’assurer que chaque élève a un bon rendement (trad.) » (p. 89).